Ma serre intérieure

Je rêvais d'une serre pour y étendre la production de mes légumes au-delà de la saison estivale. Il y a 6 mois, je me suis prise au défi de la construire moi-même, toute seule. Aujourd'hui, je peux considérer que le défi est relevé.

Mais derrière le projet de construction se cache un projet beaucoup plus grand encore, beaucoup plus ambitieux.

Au-delà du projet d'une construction, celui d'une rémission

L'hiver 2020 avait été rude. En rémission d'un cancer de stade 3 depuis 3 ans, j'avais fini le mois de janvier sous le choc de l'annonce peu réjouissante de la réapparition de ce cancer. Terrorisée par la bête et la menace de la reprise de traitements lourds dont les effets risquaient fort d'être bien pires que la maladie (chirurgie, chimiothérapie et/ou immunothérapie), j'avais perdu toute capacité à me projeter dans l'avenir. En état de choc, j'ai cru un moment que le temps s'était arrêté définitivement.

Réticente à l'idée d'abandonner mon corps aux bons soins de la médecine (!) et sentant grandir en moi la conviction que mon corps et mon âme méritaient mieux pour le temps qu'il me restait à vivre, j'ai demandé aux médecins un peu de temps pour essayer d'autres choses, des méthodes plus douces et naturelles. Ma demande fut entendue.

"Si le temps m'est compté,

je veux le consacrer à un projet qui m'allume."

Reprenant ma santé en mains, j'ai ressenti dans le même temps un besoin urgent de me mettre en action, tant qu'il en était encore temps; le besoin d'avoir un projet qui me permettrait de me projeter dans l'avenir, aussi incertain fut-il. Un projet qui me fasse pencher du côté du vivant !

Depuis Noël, je pensais à construire une serre pour mon jardin.

Avec l'arrivée du printemps, cette serre n'était plus une pensée. Elle est devenue une évidence.

Au mois d'avril, la nature s'est réveillée. Le printemps, jaillissant de la terre et exprimant avec force et verdeur un souffle de vie irrépressible, m'a entraînée dans son élan. C'était un appel irrésistible du vivant, celui-là-même qui m'avait poussée, 3 ans auparavant, à construire mes premiers bacs de jardinage pour débuter un potager sans rien connaître de la culture des légumes.

Lancement des opérations

Le 5 mai 2020, l'obtention du permis de la ville marquait officiellement le début des travaux.

Ma serre intérieure

C'était un projet un peu fou compte-tenu de mon statut de "malade". J'ai douté, certains jours. L'énergie n'était pas au rendez-vous. La santé non plus. Je craignais que celle-ci ne décline à mesure que le temps passe, que mon énergie ne s'épuise à l'ouvrage.

Mais le contraire s'est produit.

Durant tout l'été, le jardin fut mon terrain de jeu; le chantier de la serre mon exutoire.

Mon énergie semble s'être nourrie de l'avancée de mon chantier, ma confiance s'être reconstruite à mesure que s'élevait ma serre.

En guise de bilan

L'automne est déjà bien entamé. Mon chantier touche à sa fin. C'est l'heure des bilans. Je suis très heureuse d'avoir pu mener ce projet à terme, d'avoir surmonté mes craintes et mes frustrations de débutante autodidacte pour un résultat tout à fait honorable, somme toute.

Et la baête ?

La veille de l'Halloween, au moment des dernières finitions sur la serre, je prends connaissance des résultats des derniers examens de suivi médical. Merveilleuse nouvelle ! Point de guérison, point d'amélioration, mais depuis les derniers examens datant du mois de mai, tout est stable ! Rien n'a changé ! Le cancer s'est tenu tranquille durant tout ce temps-là, sans progression ! En maintenant la petite flamme en dedans de moi bien vivante, j'ai donc réussi à dompter la bête ! Depuis 6 mois, elle reste là, tapie dans un coin. Qu'elle se tienne tranquille ! J'ai encore beaucoup à vivre !

The legend is alive !

Ainsi, mon oeuvre trône dorénavant au fond du jardin comme le trophée-symbole d'une victoire personnelle sur l'objet de terreur qui avait menacé de m'emporter à la fin de l'hiver.

Remerciements

Ce projet n'aurait sans doute jamais vu le jour sans le soutien de ces êtres chers qui ont été sensibles à l'importance que ce projet représentait pour moi, qui y ont cru et m'ont accompagnée sur ce chemin hasardeux.

Je pense tout d'abord à mon frère, Pierre-le-bien-nommé, tailleur de pierre, Pierrot pour les intimes, qui m'a coachée dans les toutes premières étapes : il a conçu les plans sur mesure, a produit des tutoriels personnalisés avec croquis Sketchup à l'appui, m'a guidée pas à pas et a assuré une assistance téléphonique indéfectible durant des semaines, lui en France, moi au Québec, malgré le décalage horaire.

Grâce à la patience dont il a fait preuve et à sa présence rassurante quoique lointaine, il m'a rendu accessible ce qui n'était pas loin de me paraître insurmontable. Un vrai coach en motivation et confiance en soi !

Je pense aussi à Éric, mon

compagnon de tous les jours, qui assiste quotidiennement à l'éclosion de mes fantaisies, me laissant la liberté d'explorer, d'expérimenter, d'occuper l'espace commun sans s'y opposer, accompagnant mes choix, encourageant mon projet, se réjouissant avec moi de chacune de ses étapes et s'y associant ponctuellement.

Merci aussi à mes amis tenus à distance en période de crise sanitaire ainsi qu'à mes amis des réseaux sociaux qui ont suivi avec un intérêt inattendu l'évolution de mon aventure, qui ont commenté, aimé, liké mes publications, m'encourageant dans les différentes étapes du chantier, avec indulgence pour certains, admiration pour d'autres...

Ainsi s'achève mon projet de construction, mais se poursuit celui de ma rémission, avec confiance, foi et détermination.

Et après ?

L'hiver sera le temps du repos, de la réflexion, du recueillement, de l'introspection, un temps de dormance d'où émergeront certainement de nouveaux rêves en attendant qu'au printemps jaillissent de nouveaux projets.