top of page

Un petit "clic" vaut mieux qu'un grand vrac

Le métronome sorti du placard

 

par Marie Muller

visitez le site de la muse affiliée !

Le métronome étalon

 

Comme le mètre sert à mesurer les distances, le thermomètre la température, le métronome sert à mesurer le tempo. Inventé par Winkel – inventeur danois – en 1812, puis breveté par Maelzel en 1816*, il est constitué d’un mouvement d’horlogerie muni d’un balancier gradué dont les battements (ou pulsations) déterminent des durées égales (les temps), un contrepoids mobile coulissant sur le balancier permettant de modifier la vitesse (le tempo).

Chaque graduation indique une subdivision de la minute. Exemple : 60 = 60 pulsations à la minute. Les graduations s’échelonnent de 40 (très lent) à 208 (très rapide).

Ainsi, le métronome permet à tous les musiciens d’avoir une référence commune pour déterminer la vitesse d’exécution d’une oeuvre.

 

Beethoven, en 1817, fut le premier à indiquer ainsi le tempo de ses symphonies.

Ex. : noire = 80 signifie 80 noires à la minute, blanche  = 56 signifie 56 blanches à la minute, etc…

Sachant cela, s’il n’est pas rare de voir des indications métronomiques figurer sur des partitions éditées de compositeurs antérieurs à 1816 (Bach, Haendel, Mozart…), vous saurez que c’est le fruit de la subjectivité souvent fantaisiste des éditeurs de musique, puisque, avant 1816, le métronome n’existait pas.

Bon nombre de compositeurs ont suivi l’exemple de Beethoven afin de fixer à la postérité la vitesse d’exécution de leurs œuvres.

 

Avec le temps, les modèles de métronome se sont perfectionnés. De plus récents métronomes électroniques à quartz, plus solides, légers, fiables et surtout plus faciles à transporter sont aujourd’hui utilisés. Et ils durent, durent, durent, longtemps, longtemps… sans qu’il soit jamais besoin de leur remonter les entrailles.

Les indications de métronome se sont aujourd’hui généralisées et sont utilisées dans la plupart des musiques écrites, aussi bien en musique contemporaine qu’en musique populaire ou en jazz.

Certains compositeurs actuels ont même adopté le métronome comme partenaire jusqu’à l’utiliser dans l’exécution même de leurs œuvres. Le Poème symphonique pour 100 métronomes de Ligeti en est sans doute l’exemple par excellence.

 

S’il est bon, en tant qu’interprète, d’avoir connaissance des indications métronomiques du compositeur, trouver le tempo juste est davantage une affaire de ressenti. Malgré toutes les précautions prises par Beethoven, les tempi qu’il avait indiqués n’ont jamais été respectés, jugés trop rapides par les chefs d’orchestre. C’est que les métronomes de l’époque, encore peu fiables, montraient de grosses différences de tempo d’un modèle à l’autre. D’ailleurs, Beethoven lui-même, découragé par les aléas mécaniques de ces petites machines, s’écria finalement : "Plus de métronome ! Quiconque est à même de sentir correctement la musique n'en a pas besoin".

 

Intermède

 

Premier cours. Le métronome négligemment posé sur le dessus du piano, irrésistiblement, mon petit élève, débutant, avant même que j’aie le temps de l’introduire dans le cours, s’en saisit et me demande :

« C’est quoi, ça ?

- Un métronome.

- Ça sert à quoi ? Â»

La petite boîte intrigue. Le petit clic fascine. Que dire de la vitesse ?

« Ã‡a va jusqu’à combien ?... Waow ! 208 !!! Â»

Et l’élève d’essayer de courir  « Ã  208 Â» sur le clavier avec ses petits doigts maladroits comme un nouveau né tenterait de courir le 100 mètres. Il s’essouffle vite. Evidemment. Quelques semaines plus tard, il revient à la charge, et, ne se souvenant plus de son nom, me demande si on peut pratiquer avec le… « chronomètre Â». C’est qu’une certaine confusion règne sur le rôle du métronome dans la conscience du néophyte. Il s’agit d’apprendre à s’en servir.

 

Premiers pas : apprivoiser la bête

 

Bien que nos vies soient remplies de rythmes et de pulsations (battements du cœur, rythme de la respiration, de la marche…), l’acquisition d’une pulsation intérieure stable comme fondement de l’apprentissage musical n’est pas toujours aussi simple qu’on le croit. Le métronome peut être en cela d’un petit secours.

Reprenons les premiers pas de notre athlète en herbe.

Une erreur pour le débutant est souvent de considérer le battement du métronome comme un rythme extérieur, artificiel, imposé, pas toujours très invitant. Mais percevoir la pulsation du métronome comme le rythme des pas d’une marche tranquille est un appel bien plus agréable à le rejoindre dans ce rythme régulier. Le métronome devient un compagnon de promenade, que l’on accompagne, sans le perdre ni le devancer, dont on s’approprie le mouvement pour y adapter notre propre rythme de marche.

On peut pratiquer cela sur un simple frappement des mains ou sur des éléments simples, connus de l’élève, déjà intégrés : jeu sur cinq notes, une gamme, une petite mélodie…

Il est possible, avec un peu d’attention, d’écoute, de concentration et de détente, de rentrer dans le tempo qui nous est proposé comme on entre dans la corde à danser, sans s’y prendre les pieds.

On apprend ainsi à faire sienne la pulsation d’un autre – celle du métronome – qui sera peut-être aussi plus tard celle d’un partenaire, en duo. Il devient alors un accompagnement et non plus une contrainte. Une préparation à écouter l’autre.

 

Éloge de la lenteur

 

 Â« Ne pressez jamais sur une difficulté… mais jouez-la assouplie et lentement car c’est sans doute un trésor caché que vous découvrirez. Â»

Frédéric Chopin

 

L’obsession de la vitesse nous fait souvent oublier les vertus de la lenteur. Le chemin le plus court pour maîtriser la vitesse n’est pas forcément le plus rapide. C’est dans la lenteur que l’on apprend à coordonner les gestes, à développer leur indépendance. Pratiquer lentement, avec le métronome, est un excellent remède contre les hésitations.

 

Commencez par choisir un tempo TRÈS lent, adapté à la difficulté du fragment que vous travaillez. Essayez de penser, d’analyser, tous les éléments qui, agencés, constitueront plus tard les fondements d’une bonne interprétation (notes, rythme, doigtés, phrasé, nuances…). Pratiquez ainsi, au ralenti, quelques répétitions du même fragment. Déjà, le jeu s’organise, le rythme se stabilise, devient plus confiant, les réflexes s’installent, la mémoire se consolide. Lorsque vous vous sentez vraiment confortable dans ce tempo, en confiance, augmentez la vitesse d’un cran de métronome et recommencez. Petit à petit, cran par cran, vous allez rapidement vous rapprocher du tempo que vous recherchiez sans jamais avoir pu l’atteindre. En repoussant ainsi chaque jour un peu vos limites, vous irez bien au-delà de ce que vous imaginiez.

Cela revient à construire son jeu comme on monte le mécanisme d’une horloge, avec tous ses petits engrenages et ses roues dentelées, pièce par pièce. On s’assure que tout est en place, bien agencé, bien emboîté. Prudemment, on teste la mise en mouvement du mécanisme. Puis, rassuré sur sa solidité, on lance la machine et… ça marche ! La vitesse n’est alors plus une difficulté.

Ainsi, utilisé de manière méthodique, le métronome donne des résultats convaincants, souvent inespérés et surtout très encourageants. Il est un allié certain pour progresser de manière sûre et fiable sur le chemin de la vitesse.

 

Un rappel à la juste mesure

 

Avec le temps, dégagé des préoccupations de mise en place, l’interprétation que nous faisons d’une œuvre se détache progressivement de la partition. Il est possible que nous prenions alors quelques libertés excessives avec le texte en exagérant les intentions musicales au point de parfois en défigurer grossièrement la mesure. Une interprétation trop libre, à la vitesse pathologiquement fluctuante, agit sur l’auditeur comme sur les passagers d’un conducteur débutant, au freinage brusque et aux accélérations intempestives, produisant sur les auditeurs le même inconfort que sur les passagers au cœur sensible.

Le métronome prémunit contre les boursouflures de l’interprétation et les excès de pathos. Il est la bonne conscience de l’interprète, le Jiminy Cricket du pianiste : il nous remet sur le droit chemin de la mesure lorsque nous avons eu la fâcheuse tendance à l’oublier. 

 

Drame du métronome

 

Caractérisé par sa régularité implacable, le métronome nous offre un repère fiable de stabilité de la durée, de la pulsation. Si c’est avec le métronome, mécanique et artificiel, que l’on s’assure d’avoir un rythme « sain Â», une pulsation constante, stable, il n’en demeure pas moins que se contenter d’un travail «  métronomique Â» risque de produire un jeu sans vie, froid, mécanique et desséché. La musique ne se résume pas à un tic-tac d’horloge. Le métronome est un outil ; son utilisation est un moyen et non un but en soi. C’est à l’interprète de trouver en lui la liberté du mouvement qui rendra toute la dimension artistique et vivante de son interprétation, mouvante et subtilement fluctuante, comme le battement d’un cÅ“ur ému, la douce hésitation d’une tendre flânerie, le mouvement berçant de la mer ondulante, la course effrénée après le temps perdu.

 

 Marie Muller, avril 2007

 

* cf article sur Johann Nepomuk Maelzel, dans le volume 3 n°3 de La Muse Affiliée, février 2001, consultable sur le site Internet de la Muse Affiliée.

 

Sites Internet consacrés au métronome :

 

- Une présentation du modèle mathématique du fonctionnement du métronome : http://fred.elie.free.fr/metronome.htm

 

- « Faut-il jouer Beethoven deux fois moins vite ? Â»

article de Vincent Arlettaz, Revue Musicale de Suisse Romande

http://www.rmsr.ch/articles/2003-1/beethoven.htm

Le métronome, cet incompris

 

Souvent considéré comme un arbitre de la mesure, impartial et intransigeant, le métronome a souvent mauvaise presse. On se souvient du bon vieux métronome pyramidal à balancier, qui trônait sur le piano et nous offrait la distraction de lui remonter le mécanisme plusieurs fois par jour. Il a fini par s’essouffler, s’encrasser et, déséquilibré, par boiter. Rejeté et méprisé, délaissé, oublié, condamné au silence à perpétuité sur le haut d’une étagère poussiéreuse.

Il est pourtant un outil bien utile et devrait faire partie intégrante de la panoplie du musicien : un instrument, un crayon et un métronome ! On peut toujours s’en passer, mais c’est quand même mieux avec.

bottom of page